samedi 20 février 2010

arbres vivants et natures mortes

Je publie ici un texte de présentation pour une exposition faite en 2005 que j'ai retrouvée incidemment. Les reproductions sont plus récentes mais s'intègrent parfaitement au texte.




tournesol - huile sur toile - 81x65 - 2008


Texte de présentation à l'exposition "arbres vivants - natures mortes" présentée à la galerie de l'olivier d'Ollioules (var).

Van Gogh écrivit dans une de ses lettres que ses paysages sentiraient toujours la figure, c’est-à-dire qu’il s’y dégagerait toujours un sentiment, une expression proche du portrait, qu’ils ont une autonomie, une âme, aussi incontestablement que n’importe quel être vivant. Comme, à l’inverse, il disait que ses mangeurs de pommes de terre devaient ressembler ou plutôt transpirer ce qu’ils cultivent. Même si ceux-ci ne sont pas des tableaux admirables pour cela, il y a toujours pour chaque œuvre un double temps comme une double compréhension; il y a le temps de la pensée et le temps de la main. La réflexion analyse abstraitement le tableau à faire en le découpant en formes, en couleurs, en lignes dessinées et en confrontations de valeurs, tandis que la main, le dirigeant vers le concret le plus terrien lui donne son sens profond. En déconnectant l’analyse de l’action, la main crée, comme indépendante, le chemin le plus intelligible, celui qui comme le pressent Van Gogh pour ses paysages, renvoie l’image obscurément claire d’une réalité imposée à elle-même.

nature morte- 50x65 - 2008

L’analyse que fait Van Gogh a posteriori de ses toiles est toujours remarquable; il précise par une simple phrase le gouffre de réalité que contiennent ses œuvres. Ainsi pour le café de nuit: “un lieu où l’on pourrait commettre un crime”. Pour le portrait du docteur Gachet: “ l’expression navrée de notre temps”. Pour la chambre d’Arles: “ j’ai voulu exprimer un repos absolu”. A une peinture des plus concrètes, il apporte une précision des plus abstraites; on n’explique pas l’évidence, on ne peut qu’essayer de la décrypter en choisissant un point de vue, comme on le ferait en ne regardant qu’une étoile dans le ciel pour éviter d’être confronté à un infini inabordable.


crâne d'âne - huile sur toile - (2010-2010-2008)

Si je fais ce long préambule sur Van Gogh, ce n’est pas seulement parce que je pense qu’il fut l’un des plus grands peintres, sinon le seul vrai peintre, je veux dire le seul qui fut uniquement peintre, et qu’en cela toutes ses réflexions sur la peinture sont justes et doivent être rapportées. C’est aussi que j’ai senti en préparant cette exposition que mes toiles prenaient a posteriori un sens nouveau. En regroupant arbitrairement ces quelques natures mortes et ces quelques arbres, une nouvelle présence indéfinie est apparue. Chaque toile enchâssée dans le rythme de l’exposition à venir prenait plus de poids, une individualité accentuée par la parenté qu’elle avait avec les autres. Dès lors, les natures mortes me sont apparues, avec ou sans crâne, comme des vanités. Toutes, dans leur lumière défunte deviennent des restes, des restes de présence. Elles sont la trace, le résidu d’une vie, d’un temps où l’on posa ces objets ou ces fruits, un temps qui s’est inscrit dans la toile comme les restes fumants d’une maison incendiée.

Les arbres, eux, sont figés, enfermés dans une seconde, dans le millionième de seconde de la vision furtive, inscrits à jamais dans la paupière fermée. A l’inverse de la photographie qui bloque le chronomètre, ici le temps défile mais toujours dans la même seconde. Ni passé, ni souvenir, la vie est enfermée et fourmille dans l’attente de l’oubli. Il semblerait qu’un simple regard détourné permette à ces arbres vivants de reprendre indéfiniment le cours des choses, mais chaque nouveau regard les ramène immanquablement dans la même seconde indéfinie. Ils seraient donc l’image de la vie: le temps n’a pas de prise sur la conscience, dès qu’on s’arrête, on est le même et à jamais. Là est la quête; retrouver la faille où le temps se courbe sur lui-même, là où les secondes qui s’accumulent s’entassent toujours sur la même.



arbres et paysage - carré conté et pastel sec - 50x65 - 2009

Je n’ai ni le génie ni la simplicité juste du regard de Van Gogh, mais peut-être que ces quelques réflexions éviteront au mieux un regard désaxé sur mes toiles, en sachant que si je peux, peut-être avec maladresse, prévenir qu’il y a un point où le sens existe dans l’épaisseur inerte de la peinture, il y a surtout le mystère renouvelé de la vie et de la mort.



arbres - carré conté - 50x65 - 2008


pommes - pastel - 50x65 - 2008

lundi 8 février 2010

gouaches et pastels 2009

Voici la quasi totalité des pastels et gouaches de 2009. Il ne manque que la série sur le port (déjà présente dans un diaporama précédent), certains autoportraits (eux aussi présents dans un autre diaporama), et quelques autres que je ne trouve pas vraiment dignes d'être montrés.

vendredi 5 février 2010

nécessités


huile sur toile - neige - 73x100 - 2010




Il faut tout de même que j’agrémente ce blog et notamment donner suite au désoeuvrement présent dans mon intervention précédente (texte précédent qui se retrouvera après celui-ci!?).
Je ne mesurais pas l’incongruité de la rédaction d’un blog lorsque celui-ci est (évidemment) ignoré de tous. Cela confine au journal intime, une introspection sans échange, c’est-à-dire l’inverse de ce qui était attendu et qui renforce malencontreusement ce à quoi l’on voulait échapper.
Il s’agit donc de motiver soi-même son travail pour soi-même en s’enfonçant délicatement le couteau de la schizophrénie. C’est l’exact impact inversé de celui du pinceau sur la toile, le traçage impossible d’une ligne frontière entre la mer et le rivage. Seul le dialogue véritable peut permettre à l’artiste de dépecer son œuvre en inversant son regard. Tout, sans cela, devient justification gratuite et l’œuvre est abandonnée comme renard écrasé sur le bord de la route.


pastel sec - neige - 50x65 - 2010


Cela dit, il faut croire à l’attente possible d’un autre. Générer le regard absent en acceptant son augure incertain, même si la nécessité de cerner son travail autrement qu’en le faisant peut paraître une gageure vaine.

pastel sec - neige - 50x65 - 2010

Ainsi, que dirais-je de ces paysages enneigés présentés ici ? Sont-ils simplement les témoins de jours où le monde se fit neuf en révélant la cadence du temps dans la structure des arbres ? Révèlent-ils la sotte nécessité d’un motif ? Portent-ils en eux la pertinence d’une peinture qui assume son héritage aussi ancien soit-il ? Sont-ils, au contraire, l’émergence d’une denrée nouvelle dans l’acceptation de tous les poncifs, abandonnés pourtant depuis longtemps par tous ceux qui sont les représentants de la peinture contemporaine ? Sont-ils le résultat de la simple volonté de traduire l’étonnante transformation d’un paysage désormais faussement noir et blanc ? Que dire d’une peinture figurative (native du motif) aujourd’hui sans être obligé de justifier sa moderne naissance. Est-il besoin de noter ses paramètres singuliers pour qu’elle puisse obtenir le label ? Sa singularité devrait être tout entière en elle ; car la matière, le dessin, la couleur, le format, la représentation etc… ne sont pas dissociables entre eux. Ce sont les stigmates de surface, les gardiens mal assurés mais vigilants d’une réalité révélée. Ces paysages ne sont pas des paysages tout en étant que cela ; cette neige n’est pas l’image de la neige, c’est le caillou qui se révèle à nous lorsque sa pointe blesse le pied.


pastel sec - neige - 50x65 - 2010

L’adhérence au monde est ma seule préoccupation. Il me semble du reste que ce devrait être la seule préoccupation pour tout artiste ; tout se borne à l’adhérence, à la compréhension nette et sans objet, à l’absence d’idée et de sens dans l’accomplissement qui révèle sans rien dire.
Il va de soi que cela n’impose aucune règle esthétique ni aucune démarche, que le seul critère est la clairvoyance.
Je n'ai comme source que le lien direct et permanent avec la réalité et ne cesse de buter sur ses souches en prenant garde de ne pas lever le pied pour les éviter. Le paysage enneigé impose sa mystérieuse réalité comme la simple pomme posée sur la table, l’espace (et l’espace-temps) qui me sépare d’eux par la vision doit être transformé en œuvre pour résister à l’assimilation.


huile sur toile - neige - 73x100 - 2010